Histoire du parfum
-
Dupont Circle
Le début de l’histoire est niché dans la boîte du parfum
(…) Homme d’affaires à l’international, mon frère est souvent appelé à parcourir le globe dans le cadre de son travail. En début d’année 1997, lors d’un passage en Russie, il décida de s’offrir un billet pour une représentation du ballet Giselle au Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg. Dans la file au guichet, il entama un échange amical avec son voisin et, petit à petit, apprit qu’il était chef du Service de traduction au FMI. Comme je complétais à cette époque une maîtrise en traduction à l’université Laval, il glissa tout bonnement dans la conversation que j’étudiais dans le domaine. Une fois les billets achetés ils se saluèrent et reprirent chacun leur chemin. Quelques mois plus tard, en apprenant qu’un stage en entreprise était requis pour obtenir mon diplôme, mon frère me raconta sa rencontre improbable avec cet homme en Russie. Il mentionna qu’il pourrait tenter de communiquer avec lui pour voir s’il y avait des possibilités de stage au FMI. Malgré une excitation certaine à l’idée de faire mes classes dans un endroit aussi prestigieux, je n’y croyais pas vraiment. Pourtant, mon frère se mit à l’œuvre… Quelques coups de fil, quelques courriels, quelques formalités logistiques, et me voilà quelques mois plus tard assise dans un train Amtrak en direction de Washington DC. C’est ainsi que je devins la première stagiaire en traduction au FMI ! Une histoire incroyable vous me dirai. Je n’étais pas plus spéciale qu’une autre. Je connaissais tout simplement quelqu’un qui se trouvait au bon endroit au bon moment et qui a osé parler à son voisin ce jour-là. Hasard, coïncidence ou signe du destin ?Une chose est sûre, mon frère possède un don. Il est conscient de l’impact qu’il peut avoir sur les gens et le monde qui l’entoure. Il croit fermement dans l’humanité, cette humanité qui rend les gens malléables et influençables. Certains ne remettent jamais en question l’ordre établi, d’autres croient en leur capacité de le changer. C’est ce que mon frère fait si bien. Il voit chacune de ses rencontres comme un tremplin possible vers de nouvelles expériences; comme une page blanche sur laquelle il peut réinventer sa vie. C’est donc grâce à lui et aux brefs instants qu’il a passé en compagnie d’un pur étranger à l’autre bout du monde que le cours de ma vie fut un instant dévié, le temps que j’y inscrive un chapitre merveilleux de ma vie.
-
Dupont Circle
The beginning of the story is in the perfume box
(…) As an international businessman, my brother has to travel extensively. During a trip to Russia in early 1997, he decided to treat himself to a representation of Giselle at the Imperial Theatre in St Petersburg. As he was waiting in line for tickets, he struck a conversation with the man next to him, who happened to be the head of the Translation Department at the IMF. Since I was studying translation at the time, it naturally came up in the short conversation that I was doing a Master’s at Laval University. A few months later, when my brother heard that I had to do an internship as part of my curriculum, he told me about his unusual Russian encounter and how he might be able to contact the man in the waiting line. My interest was definitely spiked, for who wouldn’t be excited at the idea of interning at such a prestigious establishment, but I did not believe for one second that he could pull this one off!But, while I was dreaming the impossible dream, my brother was hard at work, trying to get things moving. Some phone calls were made, some logistical matters were handled, and, lo and behold, there I was on an Amtrak train on my way to DC! That’s how I became the first translation intern at the IMF. Why me? Because somebody I knew was somewhere in the right place at the right time. Coincidence? Happenstance? Destiny? Perhaps. One thing is certain though, my brother has a gift. He sees every moment in life as an opportunity rather than as an unrelated sequence of events. He firmly believes in the humanity in each and every one of us; the humanity that makes us deeply influenced by the people we meet and the world around us. Where some of us take things at face value, others see a blank sheet of paper on which to write their own story. And so, thanks to him and to those few minutes he spent talking to a total stranger half way around the world, I was able to fill one of my blank sheets of paper with an amazing experience that has now become a snapshot of happiness forever engraved in my mind.
-
Aviation Club
Le début de l’histoire est niché au creux de la boîte du parfum
(…) Un large escalier revêtu d’un épais tapis me mena tout en douceur au comptoir d’accueil où un jeune et élégant commis prit en consigne mon passeport. Le passage obligé au vestiaire me fit découvrir le hall principal au centre duquel trônait un magnifique lustre projetant une lumière somptueuse sur les boiseries vernies et les fauteuils de cuir patiné. Un immense bouquet de fleurs fraîches posé sur la table en marbre venait mettre la touche finale à ce décor chaleureux et distingué. Je me dirigeai vers la salle réservée au poker où je fus assaillie par un immense nuage de fumée.*
[*On est à l’automne 2006, la loi antitabac française n’est pas encore passée, et environ un Français sur deux fume. Le concept du non-fumeur à l’Aviation Club se résumait alors à une politesse invitant les joueurs à ne pas fumer s’ils occupaient l’un des deux sièges situés tout à côté du croupier. Bien que l’attente pour un siège dépassait souvent une heure, il n’était pas rare de voir des joueurs préférer leurs cigarettes à l’un de ces deux sièges. C’est dire la folie !]
Je m’aventurai plus profondément dans l’allée emboucanée et découvris l’épicentre de la distribution des sièges : un tableau sur lequel étaient inscrites les initiales des joueurs en attente. Je fis inscrire les miennes et profitai de cette pause forcée pour apprivoiser les habitudes de la maison et observer le jeu sur les tables.Après une quarantaine de minutes, j’entendis crier : « I » « M ». C’était bien moi. Jetons en main et surcharge d’adrénaline dans les veines, je me dirigeai à mon siège.**
[**J’allais finalement pouvoir affronter le tapis feutré, me mesurer aux huit autres personnes à la table, toutes à la recherche de ces montagnes russes d’émotions qu’amène le poker. Ce lieu où tant d’egos se gonflent et se dégonflent, où les contrastes entre les gains et les pertes, entre la fierté et le dégoût, entre la vie et la mort, sont si aigus parfois qu’ils semblent donner à nos vies l’intensité que notre quotidien et nos sociétés modernes trop tempérées lui ont enlevée.]Je saluai timidement les joueurs et fus reçue de quelques sourires. L’attention était sur le jeu en cours. Je m’assieds et, les mains moites, j’empilai mes jetons nerveusement. Question de reprendre le dessus sur mes émotions, j’attendis qu’un tour de table passe avant de faire mon entrée de jeu. Je mis enfin mon « big blind » et jetai un coup d’œil aux deux cartes qu’on m’avait passées. Ça y est, je jouais...
Quelques heures plus tard, je sortis bredouille mais contente de cette première expérience. Et comme j’en fis un rendez-vous hebdomadaire, j’eus l’occasion de me refaire et me défaire à maintes reprises. Mais, bien plus que l’attrait du gain, c’est la camaraderie spontanée qui s’installait chaque soir autour de la table qui me fit ainsi revenir. Ces heures passées autour d’une table à l’Aviation Club me permirent de saisir toute la richesse historique et culturelle entourant la langue française, laquelle se manifeste encore aujourd’hui par une fabuleuse aisance dans les jeux d’esprit et dans l’art de la réplique assassine toujours emballée d’élégance et de bon goût. Je me suis marrée comme jamais ! Et ces visages qui, au départ, me semblaient hostiles et étrangers devinrent familiers et sympathiques. J’étais désormais en terrain connu, on me reconnaissait, on m’appelait par mon nom. J’y étais un peu chez moi, mais à cent lieues de chez-moi. -
Aviation Club
The beginning of the story is in the perfume box
(…) A wide carpeted stairwell led me discreetly to the front desk, where a polite and elegant attendant took my passport and registered me in. The mandatory coat check forced me to take a glimpse into the sumptuous main hallway. There hung a magnificent chandelier diffusing its warm lighting onto the wood trims and the perfectly weathered leather sofas. A large marble table on which rested a huge bouquet of fresh flowers lay the finishing touch to this masterpiece of a room. I then proceeded to make my way to the poker room, where I was greeted by a heavy cloud of smoke, and which quickly made me realize that a tobacco-banning law had yet to be passed in France.*
[*It is the fall of 2006 and close to fifty percent of Parisians smoke. At the Aviation Club, the only semblance of a smoking restriction was a polite invitation to refrain from lighting up if you were seated at any one of the two seats located left and right of the dealer. And although the waiting time for a seat at a table often exceeded an hour, there would still be players who would choose their cigarettes over those two seats. Talk about habit!]
I went further down the smoky aisle to discover the epicentre of the seat distribution area: a white board on which were inscribed the initials of awaiting players. Once I had figured it out, I asked the attendant to jot my initials down. I was almost glad to be waiting, as this would allow me to get familiar with the type of playing going on at the tables. About forty minutes later, I heard someone shout out ‘I’, ‘M’. That was me! I took my chips and felt quite the adrenaline rush as I walked to my table.**
[**There I was, ready to embark with eight other souls on the rollercoaster of emotions that poker brings. This is the place where so many egos are built or destroyed, where the contrasts between gains and losses, between pride and disgust, between life and death, are so big that they seem to give back to our life some of the intensity and excitement that day to day existence and modern society sometimes sorely lack.]I greeted my table with a shy ‘bonsoir’ and received a few smiles back. The attention was on the play at hand. I sat down and stacked my chips with sweaty palms and shaky hands, trying to look as calm and collected as I could. Since I wanted to regain some of my composure before my big debut, I awaited one whole round of play before making a move. I then put down my ‘big blind’ and took a look at the two cards that had been dealt to me… I was finally playing!
A few hours later, I left the table empty handed, but quite content. I knew that I would be back for more, ready and able to turn my luck around. My visits to the club became a weekly habit. But more so than the pursuit of gain, it was the camaraderie that I experienced around the poker table that made me want to come back. Those hours spent in Paris, playing cards, made me experience first hand the French culture, especially the intricacies of the French language. The most mundane things or the meanest of comments would be said in such an intelligent, polite and elegant manner that it made for some truly entertaining table banter. And so, the fears and apprehensions that I first felt as I entered the club quickly gave way to a fun and friendly atmosphere where I could be myself. Although I was miles away from home, the Aviation Club became somewhat like a home, a place where everybody knows your name…
-
Ipanema Posto Nove
Le début de l’histoire est niché dans la boîte du parfum
(…) J'étais au Brésil pour participer à un projet de coopération internationale dont le but était de tisser des liens avec des enfants de la rue, par le biais d'activités d'initiation aux arts du cirque, afin de les éveiller à leur plein potentiel et de les diriger vers des organismes communautaires, lesquels les guideraient ensuite vers un avenir plus reluisant. Comme la gymnastique fit longtemps partie de ma vie, d'abord comme athlète puis comme entraîneur, j'avais été choisie pour assurer la partie acrobatique des activités que l'équipe en place proposait aux jeunes. Les relations privilégiées que nous eûmes la chance de nouer avec les jeunes de la rue, mais aussi avec les travailleurs sociaux de Rio, accélérèrent grandement notre apprentissage du portugais et notre intégration à la vie de tous les jours, et facilitèrent notre découverte de cette ville fascinante.
Je me liai d'amitié avec un travailleur de rue dont le style de vie hors norme et bohémien m'initia à une culture parallèle riche en artistes de toutes sortes et en petits bijoux de lieux fréquentés que par les Cariocas (c.-à-d. les habitants de Rio). C'est lui qui me donna rendez-vous au « posto nove » de la plage d'Ipanema par un bel après-midi. Ce point de rendez-vous donné me marqua, sur le coup, par sa précision non négociable, et plus tard par sa capacité à résumer, à lui seul, ce que représente cette ville à mes yeux : ouverture, chaleur humaine, indépendance et bouillonnement de culture.
Ce n'est qu'à mon retour au Québec que je pus comprendre toute la signification autour de ce lieu de rencontre quasi-mythique. Le « posto nove » atteignit sa notoriété dans les années 80 lorsqu'un politicien du nom de Fernando Gabeira y fit une apparition remarquée (lire en maillot de bain crocheté) suite à un exil forcé en Europe pour avoir pris en otage, dans les années 60, l'ambassadeur des États-Unis. Cet acte extrémiste visait à faire libérer des prisonniers politiques au Brésil, alors sous dictature. Ce personnage controversé, autant par ses actes révolutionnaires que par l'excentricité de sa vie personnelle, devint la figure de proue de toute une génération brésilienne gauchiste prônant libertés et idéalisme.
-
Ipanema Posto Nove
The beginning of the story is in the perfume box
(…) I was in Brazil to partake in a "peace corps" type project which goal was to reach street youth through circus arts workshops. These activities would be a way to teach the children life skills and introduce them to local shelters and organizations that could become springboards to a better future. Having spent a lot of my youth practicing gymnastics and then becoming a coach, I had been chosen, along with other specialists, to oversee the acrobatics portion of the activities. The close bond we developed with the children and the local street workers accelerated our learning of the Portuguese language, our integration to day-to-day life in Rio, and gave us a privileged peak into Brazilian culture.
During my stay, I became close friends with a Brazilian social worker whose bohemian mentality and way of life introduced me to a rich artistic sub-culture that gave me insider access to treasured spots and events. He is the one who gave me the "Posto Nove" rendez-vous, which at the time struck me by its unusual precision, and later fascinated me by its ability to capture all at once what Rio represents to me: acceptance, hospitality, independence and richness of culture.
It is only upon returning to Canada that I discovered that the "Posto Nove" at Ipanema beach was not just any meeting place. It gained notoriety in the 80's, when a well-known politician named Fernando Gabeira was seen strolling on that stretch of beach in a skimpy bathing suit after returning from forced exile to Europe. In the 60's, he had taken a US ambassador hostage to free political prisoners in Brazil, which at the time was under dictatorship. This controversial man, for his revolutionary actions but also his eccentric personal life, became the figurehead for many generations of left-wing partisans vying for freedom and idealism.