Ipanema Posto Nove
(…) J'étais au Brésil pour participer à un projet de coopération internationale dont le but était de tisser des liens avec des enfants de la rue, par le biais d'activités d'initiation aux arts du cirque, afin de les éveiller à leur plein potentiel et de les diriger vers des organismes communautaires, lesquels les guideraient ensuite vers un avenir plus reluisant. Comme la gymnastique fit longtemps partie de ma vie, d'abord comme athlète puis comme entraîneur, j'avais été choisie pour assurer la partie acrobatique des activités que l'équipe en place proposait aux jeunes. Les relations privilégiées que nous eûmes la chance de nouer avec les jeunes de la rue, mais aussi avec les travailleurs sociaux de Rio, accélérèrent grandement notre apprentissage du portugais et notre intégration à la vie de tous les jours, et facilitèrent notre découverte de cette ville fascinante.
Je me liai d'amitié avec un travailleur de rue dont le style de vie hors norme et bohémien m'initia à une culture parallèle riche en artistes de toutes sortes et en petits bijoux de lieux fréquentés que par les Cariocas (c.-à-d. les habitants de Rio). C'est lui qui me donna rendez-vous au « posto nove » de la plage d'Ipanema par un bel après-midi. Ce point de rendez-vous donné me marqua, sur le coup, par sa précision non négociable, et plus tard par sa capacité à résumer, à lui seul, ce que représente cette ville à mes yeux : ouverture, chaleur humaine, indépendance et bouillonnement de culture.
Ce n'est qu'à mon retour au Québec que je pus comprendre toute la signification autour de ce lieu de rencontre quasi-mythique. Le « posto nove » atteignit sa notoriété dans les années 80 lorsqu'un politicien du nom de Fernando Gabeira y fit une apparition remarquée (lire en maillot de bain crocheté) suite à un exil forcé en Europe pour avoir pris en otage, dans les années 60, l'ambassadeur des États-Unis. Cet acte extrémiste visait à faire libérer des prisonniers politiques au Brésil, alors sous dictature. Ce personnage controversé, autant par ses actes révolutionnaires que par l'excentricité de sa vie personnelle, devint la figure de proue de toute une génération brésilienne gauchiste prônant libertés et idéalisme.